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Derrière chaque jeu, il y a un auteur

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Avant-proposCet article est ponctué d’interventions de Nathalie et Rémi Saunier qui ont eu la gentillesse de répondre à nos questions concernant leur processus créatif. Le texte qui suit est aussi le fruit d’interactions et d’interviews menées auprès de nombreux auteurs au fil des années.

L’étincelle initiale qui créée l’idée

La naissance d’un jeu de société est quelque chose de très fragile. L’idée d’un original peut naître de millions de façons dans l’esprit de l’auteur. Car oui, derrière chaque jeu de société, il y a un auteur. L’étincelle initiale peut venir d’un thème, d’un matériel spécifique, d’une envie de sensations particulières autour de la table, ou d’un concept de mécanique ludique.

Une constante émerge auprès de la plupart des auteurs de jeu de société : il est rare de parvenir à “forcer” la création. En général, l’auteur ne s’assied pas à son bureau face à une feuille blanche en se disant : “allez, je vais créer un jeu !” Ces idées émergent souvent lorsque l’auteur s’y attend le moins. Sous la douche, en faisant du vélo, en lavant la vaisselle, voire en attendant aux urgences d’un hôpital avec une jambe cassée (tous ces exemples sont véridiques !).

Rémi, Nathalie, avez-vous des habitudes, des lieux, des routines pour stimuler la création ?

“Alors oui on a un lieu, on a la chance aujourd’hui d’avoir un bureau-atelier à peu près organisé, avec une table pour bosser ensemble et un bureau chacun (dont un bien rangé) on fait une mini réunion chaque jour pour essayer de s’organiser un peu. Autre lieu moins conventionnel, notre salle de réunion est souvent : la voiture !! En rentrant de soirées jeux ou de festivals on a l’habitude de débriefer à chaud, ça nous permet de faire les retours sur ce qu’on a pu observer des réactions des joueurs. Mais pour ce qui est de la stimulation c’est juste regarder autour, c’est un séjour en Espagne, un tas de feuilles mortes, une affiche …”

Selon vous, peut-on provoquer la naissance d’une idée ?

Certainement ! Mais ça impliquerait des vacances, et ça on ne sait pas trop faire !

Plus sérieusement tout provoque, un film, un jeu vidéo, une promenade mais c’est accidentel, on fait les choses comme elles viennent.

Créer seul ou à plusieurs?

La création d’un jeu de société n’est pas nécessairement un processus solitaire. Nombreux sont les auteurs et autrices qui créent en duo, voire en trio. Bruno Cathala, l’un des auteurs de jeux de société francophones les plus prolifiques, travaille souvent en binôme. Splendor Duel ou 7 Wonders Duel, concoctés avec Antoine Bauza en sont de bons exemples.

Le cas des couples créateurs est aussi très intéressant. Dans le cas de Nathalie et Rémi Saunier (Petits Peuples, Twin It, Maudit Mot Dit…) ou Marie & Wilfried Fort (Unlock Kids, Patatrap Quest, Oursons Taquins…), la création devient une affaire de famille. Ainsi, Sheep Hop a été créé par Florian Fay et son fils Mael, preuve que la relève est assurée.

A vos yeux, quels sont les avantages/inconvénients de créer à plusieurs ?

Déjà de base on bosse à deux donc c’est naturel pour nous, mais on aime aussi créer avec d’autres auteurs. Si l’on fait des jeux, c’est pour les échanges avec les joueurs. Par exemple au sein du CAJO, le groupement des auteurs de la région Nantaise, on discute beaucoup les jeux des uns et des autres mais aussi en co-autorat. On aime rebondir sur des idées, Cet échange permanent est hyper enthousiasmant. On part parfois d’un élément, pour l’emmener dans une direction opposée. 

Les inconvénients il y en a peu mais c’est vrai qu’il est parfois frustrant de devoir attendre le retour de notre co-auteur, quand on travaille à distance, ou par manque de disponibilité des uns ou des autres. Il arrive aussi que l’éditeur “zappe” l’un des auteurs dans les échanges de mail et ça peut créer des tensions.

De l’idée au prototype d’un jeu de société

Une fois l’idée fixée, vient le moment du passage au prototype. Ce terme ronflant désigne simplement quelques heures de création graphique, impression, découpage pour donner une forme concrète à l’idée abstraite et ainsi passer à la phase de test. Les premiers essais se font en général en solo, puis avec le cercle familial et amical proche de l’auteur. Si ces essais sont concluants, et moyennant souvent des ajustements et nouvelles versions du prototype, vient le moment des tests plus ouverts. Il n’est pas rare qu’un auteur possède un groupe de testeurs, dans une association locale, afin d’aiguiser la mécanique du jeu. Là encore, le prototype passera par plusieurs itérations.
Cette phase de tests est souvent la plus longue (parfois des mois) mais elle est capitale pour équilibrer le jeu avant de le présenter aux éditeurs.

A quel moment de la création faites-vous le premier prototype?

De suite ! A deux, il nous semble indispensable d’avoir un support pour être sûrs qu’on parle bien de la même chose.

 Attachez vous beaucoup d’importance à son aspect visuel ?

Oui. Pour notre propre plaisir, déjà, et puis pour que l’expérience soit la plus agréable possible pour les testeurs. Même si on doit changer le thème, même si on déconstruit le jeu X fois, à chaque étape, Rémi recherche des illustrations sympa et modifie le proto. Ça peut sembler être du temps perdu mais on s’est rendu compte que les joueurs apprécient, et que la manipulation et une esthétique immersive aident à construire le jeu.

Quel est votre méthode de travail et de test ? A qui faites-vous tester vos prototypes ?

Comme dit plus haut, on travaille d’abord tous les deux. Ensuite on a notre association à quelques kilomètres et un bar qui organise des soirées jeux une fois par mois (oui la Vendée n’est pas riche en bar à jeux). Et puis on a le C.A.J.O. (Cercle des Auteurs de Jeux à l’Ouest) à Nantes. C’est une belle équipe de jeunes auteurs et des joueurs chevronnés. Là-bas les idées fusent. On décortique tout et on bosse, on bosse, on bosse ! On teste beaucoup aussi en ligne grâce à des outils dédiés. Quand on arrive à un résultat qui nous plaît, on le fait jouer en festival pour se frotter au public, et comme on adore ça on en fait beaucoup ! (rires).

Du prototype à l’édition du jeu de société

Ça y est, le jeu tourne, il est stable et les tests prouvent que les joueurs prennent du plaisir quelle que soit la configuration. Vient alors le moment de trouver une maison d’édition à ce petit bijou ludique. Il faut maintenant prendre son bâton de pèlerin et présenter le jeu aux éditeurs.

Chacun ayant sa ligne éditoriale, il est important de cibler les éditeurs que l’on démarche. Il est possible de contacter les maisons d’édition par mail, mais les salons du jeu, qu’ils soient publics ou réservés aux professionnels, restent des moments privilégiés pour présenter ses créations en direct. Un tel rendez-vous se solde souvent par un refus poli. Mais il ne faut pas se décourager et continuer à démarcher. Il arrive que l’auteur se voit demander les règles du jeu, voire un prototype pour que l’éditeur puisse le tester à son tour, au calme. Si les astres sont alignés, un contrat est signé, qui définit le périmètre d’édition du jeu : dans quels pays, pour quelle durée et pour quelle rémunération, ainsi que parfois des clauses incluant les droits pour des adaptations futures ou des extensions.

De l’édition aux joueurs

Commence alors le travail de développement avec l’éditeur, désormais détenteur de la propriété intellectuelle du jeu. Une succession d’ajustements mécaniques et thématiques, les illustrations et le choix d’un illustrateur, d’un titre, sur lesquels l’auteur est souvent concerté, mais jamais décisionnaire.

Comment voyez-vous la collaboration avec un éditeur une fois le jeu signé ?

On aime être partie prenante du projet, pas seulement sur le développement qui est une évidence, mais sur tout le processus. On avait une image idyllique de l’édition avant que des éditeurs ne nous impliquent pleinement.

Comprendre les doutes, les incertitudes sur tel matériel, sur telle dimension, communiquer avec l’illustrateur, le graphiste, voir le projet dans sa globalité nous permet de nous impliquer encore plus quand les éditeurs veulent bien nous y inviter.

Et ce partenariat proche nous fait, je crois, rentrer dans la « famille » On marche à ça, à l’humain.

Ça fiche une sacrée frousse aussi à la sortie du jeu, mais c’est de la bonne adrénaline.

Mais au-delà de l’édition elle-même, il nous paraît indispensable d’être partie prenante de la vie du jeu après sa sortie, tant sur les festivals qu’en boutiques. On fait des jeux pour voir les joueurs s’en dépêtrer ou rire avec, il n’est pas question de nous priver de ce plaisir-là.

 Quel est le meilleur retour que vous ayez eu sur l’un de vos jeux édités ?

Il y a en a un que j’adore c’est : c’est une évidence. Derrière ça il y a le fait que le joueur va prendre le jeu en main avec facilité sans penser une seconde au travail fait en amont.

 Et on a eu la chance de l’entendre plusieurs fois, ça nous rend particulièrement heureux. Après il y en a d’autres, c’est aussi cool de s’entendre dire que notre jeu est fourbé, retors, mais “évident” c’est le nirvana !

Le Festival International des Jeux de Cannes, le FLIP de Parthenay et toutes les manifestations ludiques locales sont des occasions de venir à la rencontre des auteurs et autrices qui œuvrent dans l’ombre pour vous faire rêver et voyager !

Yohan

Salut, voyageur d’internet. Je m’appelle Yohan et vais te parler de jeux de société. C’est qu’il s’en est passé des choses depuis les osselets et les dés romains... Mille nouveaux jeux par an en moyenne. Mazette ! Pas simple de s’y retrouver quand on n’est pas un passionné à l’affut du dernier buzz. Je vais donc m’efforcer d’éclairer modestement ton chemin, à la fois en qualité d’auteur de jeux de société et de président d’une association ludique, car c’est avec cette double casquette que j’aborde ma passion. Mais ce n’est pas la seule. J'aime aussi énormément la gelée de mûres sur du pain tiède, et inventer des mots qui n’existent pas.

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Les jeux de société figurant dans l'article

7 Wonders Duel
Splendor Duel
Petits Peuples
Twin it Japan
Maudit Mot Dit
Unlock Kids
Patatrap Quest
Sheep Hop

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