Guides, conseils & Stratégies
L’Asie… Ce simple mot, et déjà des dizaines d’images apparaissent dans votre cerveau créatif. Rizières verdoyantes, jonques ancestrales, cerisiers en fleurs, marchés flottants, murailles millénaires, katanas aiguisés... j’espère que vous avez pris votre journée… temples perdus au milieu des montagnes, dragons majestueux, kimonos de cérémonie, délicieuses soupes de nouilles… bref, vous avez compris, la liste est longue, et oui, l’Asie c’est loin, mais nous avons tous cet imagier collectif riche qui alimente notre imagination fertile.
Bien entendu, le monde du jeu de société n’est pas en reste, et ce thème, aussi vaste que polymorphe, ne cesse d’inspirer les auteurs occidentaux.
Voici une sélection de jeux, issue de l’univers asiatique, qui ne manquera pas de vous faire voyager. Je finirai par un petit détour vers les jeux de quelques auteurs asiatiques. C’est parti pour un instantané de l’Asie ludique du moment.
Un voyage immobile vers l’Asie
Je ne peux pas m’empêcher de commencer cet article par la gamme Tokaido, Namiji, Tokaido duo. Ces jeux, d’une furieuse poésie, vous feront basculer dés l’ouverture de la boite dans un violent moment de béatitude.
Antoine Bauza est un auteur prolifique dont la création est marquée par sa passion pour l’Asie en général, et le Japon en particulier. Personne ne peut vous dire le contraire, lui et l’illustre illustrateur Naïade, nous immergent dans un bain relaxant aux senteurs exotiques.
Le jeu Tokaido vous propose de découvrir le Japon dans une course… réfléchie. Amateur de sablier et de bluff s’abstenir, mais ne vous fiez pas aux apparences, la course sera tout de même violente et jonchée de frustrations. Il s’agit d’un voyage sur la côte, un jeu de parcours où chaque étape permet de gagner des points. Sources chaudes, spécialités culinaires, rencontres de voyageurs, offrandes dans les temples, contemplation de paysage, tout y est propice à se plonger dans une atmosphère sereine. Même le plateau est d’un blanc immaculé, constellé de petites touches de couleur. Chaque étape ne peut accueillir qu’un seul voyageur. À vous donc de gérer au mieux votre progression. Avancez vite et vous serez certain de visiter tel lieu tant convoité. Mais vous ne pouvez pas rebrousser chemin ! Progresser, c’est donc aussi renoncer à certaines étapes pourtant lucratives que vous laissez ainsi à vos adversaires… Dilemmes, dilemmes…
Namiji, parent de Tokaido nous emmène en mer. Les adeptes de cet univers atypique et rafraichissant seront ravis de découvrir ce nouveau voyage. Vous n’incarnez plus un pèlerin mais un pêcheur à bord de son embarcation. À vous les collections de poissons et de crustacés, les offrandes à la mer et les paysages marins. Le plaisir est renouvelé et les mécaniques élégamment différentes vous emportent au gré des marées.
Pour finir avec cette gamme, j’aimerais aussi vous parler de Tokaido Duo, qui, comme son nom l’indique, offre un duel tendu dans les montagnes et sur les rivages du Japon. Chacun y joue à la fois un peintre, un pèlerin et un marchand. Vous allez forcément gêner votre adversaire en vous déplaçant d’étape en étape, mais cette fois, on abandonne le principe de course linéaire : vous pourrez aller et venir d’un endroit à un autre pour progresser dans les trois domaines en parallèle. Vous l’aurez compris, j’apprécie particulièrement cette gamme de jeux de société, originale et innovante. On y trouve un univers visuel et une mécanique forte et la tension du jeu monte à mesure que la partie avance. Pour parfaire cette expérience, les auteurs ont même mis à notre disposition une playlist de musique d’ambiance que vous pouvez écouter en buvant un délicieux Pu Erh.
Je suis tentée d’en refaire tout de suite une partie mais j’ai encore beaucoup de chose à vous dire.
Tokaido, Tokaido Duo et Namiji
Trois jeux qui vous feront voyager !
Parlons d’Hanabi. Ce jeu, du même auteur, a été primé au fameux Spiel des Jahres, une des plus grande distinction du jeu de société. Il s’agit cette fois d’un jeu de cartes coopératif dans lequel vous devez lancer, collectivement, cinq feux d’artifices sous forme de cartes numérotées et colorées. Pour gagner, vous devez former des feux d’artifice de chaque couleur en posant la carte 1 puis la carte 2 etc jusqu’au bouquet final, le 5. Pour l’instant, vous ne voyez pas où je veux en venir. Ou est la difficulté ? Ou est le challenge ? Et bien c’est très simple, les cartes que vous tenez dans vos mains et que vous allez jouer sont à l’envers. Vous n’en voyez que le dos. Mais de ce fait, vous voyez les cartes de vos partenaires. Vous découvrirez vos cartes uniquement quand vous les poserez ! Le jeu consiste donc à donner des indications sur les couleurs et les chiffres des cartes de vos partenaires afin qu’ils sachent quoi poser et quoi défausser.
Il faut une bonne dose de mémoire et de concentration, pour ce jeu tout en nuance.
« Choisir, c’est renoncer ». cet adage devient un jeu avec Sushi go. Le coeur du jeu, c’est le « draft ». Ce principe ludique qui consiste à choisir une carte dans sa main et à passer le reste du paquet à votre voisin. Sur ce principe très simple, Sushi Go va vous faire saliver. À vous de collectionner les maki, les sushi, les sashimi à bon escient. Un jeu d’opportunisme facile à appréhender, parfait pour débuter dans le monde du « draft », à jouer en attendant votre commande dans votre restaurant asiatique préféré.
Petit détour par le jardinage avec Takenoko signifie « pousse de bambou » en japonais. Voilà, tout est dit. Dans ce jeu à objectif, c’est à vous de prendre soin d’un panda offert par l’Empereur de Chine à celui du Japon. Le nourrir, irriguer correctement le jardin pour que le bambou pousse correctement, voilà vos missions. Le matériel est proprement magnifique. Outre les figurines du panda et du jardinier, vos actions feront pousser des tiges de bambou qui grimperont tranquillement et viendront insuffler la poésie sur votre plateau de jeu… jusqu’à ce que le panda vienne les boulotter, bien sûr.
Dans Takenoko, cultivez des parcelles de terrain, irriguez-les, et faites pousser du bambou vert, jaune ou rose. Ce jeu de gestion familial a reçu de multiples prix (dont l'As d'Or 2012)
C’est parti pour un peu de tourisme avec Tokyo train, un jeu de société frénétique par équipe qui se joue de préférence dans une bibliothèque ou un salon de massage… Si vous voulez vous faire détester ! En effet, il faut hurler des ordres en japonais à son partenaire pour qu’il déplace des cartes afin de les placer selon un ordre que vous seul voyez. Hurlement, précipitation et attention seront les maîtres mots de ce jeu indémodable.
Amateurs de jeux abstraits, Onitama est fait pour vous. Un maître et quatre disciples. Voilà les forces dont vous disposez, vous et votre adversaire. Atteignez le temple ennemi ou capturez le maître adverse et c’est la victoire. Devant vous, deux cartes représentent un schéma de vos deux possibilités de mouvement. Imaginez une représentation du mouvement du cavalier aux échecs et vous aurez une idée assez précise de la chose. La carte que vous jouez vient se positionner sur le côté, désormais disponible pour votre adversaire. Le principe est brillant et retors au possible. Le genre de jeu que l’on pratique en se prenant la tête entre les mains, le front plissé par la réflexion.
Onitama est un jeu simple et élégant, pour 2 joueurs, qui capture l’essence des arts martiaux.
Parlons aussi des auteurs de jeux de société asiatiques.
On joue beaucoup en Asie, et notamment à des jeux traditionnels, mais il existe un réel vivier de créations contemporaines dont peu de titres arrivent jusqu’à nos étals européens. Le Tokyo Game Market, notamment, est devenu un lieu incontournable pour dénicher de petites merveilles proposées par les auteurs japonais et coréens, en particulier, principaux pourvoyeurs de jeux dans cette partie du monde actuellement. Je parle de « petites » merveilles, car la taille des boites est une vraie contrainte de création dans des pays où les logements sont souvent assez exigus. Les auteurs locaux composent ainsi souvent avec l’adage : « faire beaucoup avec peu ». La création y est souvent minimaliste et épurée, pour des jeux d’une élégance folle.
L’un des nouveaux venus sur le marché occidental est Trio de Kaya Miyano. cousin lointain du jeu des 7 familles qui aurait croisé un memory. Le jeu se compose de cartes numérotées de 1 à 12 en trois exemplaires. Votre objectif ? Être le premier à faire trois brelans (trois trios). Pour cela, vous pouvez consulter petit à petit les mains de vos adversaires en leur demandant de révéler à toute la table leur carte la plus faible OU leur carte la plus forte et uniquement celles-là ou de retourner une carte du centre de la table. À vous de mémoriser qui possède quoi, pour, le moment venu, parvenir à composer un trio en révélant trois cartes identiques. Tellement simple et évident qu’on aurait aimé y avoir pensé plus tôt (en tant que créateur de jeu de société, bien sûr). On essaie pour voir et 4 parties plus tard, on le veut dans sa ludothèque !
Love Letter de Seiji Kanai pousse le bouchon encore plus loin dans le minimalisme, puisqu’il ne se joue qu’avec quelques cartes « personnages ».
Votre objectif est de faire passer votre lettre enflammée à la princesse avant vos adversaires. Plus les personnages que vous employez à cette fin disposent d’une grande influence, plus vous aurez de chance de conquérir le coeur de votre bien aimée. Bien entendu, chaque personnage dispose d’une capacité unique permettant tantôt de vous favoriser, tantôt de mettre des bâtons dans les roues de vos adversaires qui cherchent eux aussi, les fourbes, à conquérir le coeur de la princesse. Un jeu d’affrontement simple et méchant, pour perdre ses amis avec élégance.
Happy City de Airu & Toshiki Sato, de son côté, propose de créer une ville la plus heureuse possible en une trentaine de minutes avec un simple paquet de cartes et quelques pièces (quand je vous dis que le minimalisme produit des merveilles). À votre tour, vous avez accès à trois catégories de bâtiments, plus ou moins onéreux. Vous ne pouvez en acheter qu’un à chaque tour. Bien entendu, plus un bâtiment est cher à l’achat, plus il offre d’avantages : un revenu à chaque tour de table, des habitants ou des coeurs. Lorsque l’un des joueurs cumule dix bâtiments dans sa ville, chaque joueur multiplie les habitants de sa ville par le nombre de coeurs, pour calculer son score de bonheur. Ajoutez à cela de petites règles bien chafouines permettants de défausser des bâtiments pour en priver ses adversaires, un système de bâtiments bonus et des règles pour joueurs un peu plus chevronnés, et vous tenez un jeu familial, élégant et tendu juste ce qu’il faut.
Découvrez le jeu de société Happy City
Un jeu de rôle inspiré de l’Asie pour conclure
Avant de vous quitter, si vous êtes amateur de jeu de rôle ou de jeux de cartes évolutifs, je ne saurais trop vous suggérer de jeter un œil curieux à l’univers héroïque de La Légende des 5 Anneaux, une relecture épique d’un Japon médiéval de fantasy où des clans s’affrontent ou se liguent face à des menaces surnaturelles.
Alors, une chose est sûre, l’Asie, contrée lointaine et merveilleuse, pourvoyeuse d’histoires fantastiques n’a pas finit de nous inspirer. Et quoi que vous appréciez dans le jeu de société, coopération, dépaysement, mémoire, construction, narration, compétition… vous n’avez pas fini de jouer que ce soit au pays du matin calme ou au pays du soleil levant.
Que ce soit à travers le jeu de carte ou le jeu de rôle, découvrez l'univers de la Légende des 5 anneaux !
Article co-signé Delphine & Yohan
Yohan
Salut, voyageur d’internet. Je m’appelle Yohan et vais te parler de jeux de société. C’est qu’il s’en est passé des choses depuis les osselets et les dés romains... Mille nouveaux jeux par an en moyenne. Mazette ! Pas simple de s’y retrouver quand on n’est pas un passionné à l’affut du dernier buzz. Je vais donc m’efforcer d’éclairer modestement ton chemin, à la fois en qualité d’auteur de jeux de société et de président d’une association ludique, car c’est avec cette double casquette que j’aborde ma passion. Mais ce n’est pas la seule. J'aime aussi énormément la gelée de mûres sur du pain tiède, et inventer des mots qui n’existent pas.
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